Balades apaisées
Les parkings aux abords du sentier menant au belvédère du Bernica sont exigus mais la bonne surprise est de découvrir à l'œuvre une équipe d'emplois verts qui commence le nettoyage et la mise en valeur du site, comme à Bassin Long.
Le ciel est un peu voilé et la progression lente, détendue, botanique. Un Bancoulier est repéré à l'entrée de la ravine. Il paraît en fleur, mais ce sont ses feuilles qui à la saison se font presque blanches vues de loin.
En fleur aussi un massif de Roses des bois si prisées pour leurs fruits secs si décoratifs.
En fleur encore les Margoses marron :
Photo d’Andrée FEMENIA
Les lieux sont envahis par de belles échappées de jardin dont des Cléomées et un grand radis, et une foultitude d'autres plantes...
Quelques-unes parmi nous retrouvent des plantes qui évoquent les heures insouciantes de l'enfance Créole, dont les graines de Job et autres graines à mettre en boucle d'oreilles.
Utiles l'Herbe tombée, en médecine, et les brèdes pariaterre ou propriétaire en cuisine...
Holoparasite sans doute est la Cassytha filiformis dont les suçoirs pompent la sève des plantes envahies.
Nous approchons du déversoir du bassin. L'eau en est verte, disons glauque, par eutrophisation, résultat de pollutions que l'on ne sait pas trop à quoi attribuer : engrais, fausses fosses, en tout cas trop de nitrates dont se repaissent les cyanobactéries encore récemment appelées algues bleues, bactéries antédiluviennes (moins trois milliard d'année) capables de photosynthèse et à qui nous devons l'Oxygène source de vie. Principe anthropique faible ou fort ou pas du tout de principe par trop anthrocentré ? Les grands songes le long des berges en sont tout songeurs.
Des parois au pied desquelles nous déambulons désormais pendent de supberbes lianes (Cissus annulata) alors que le vent porte dans ces gorges mille petits hélicoptères qui sont les fruits de la Liane papillon, très envahissante, et dont les troupes ont pris possesion du Bernica. Les descriptions des poètes de ces lieux au rêve hospitalier en sont comme gommées par l'omniprésence de cette liane entres les deux parois hautes.
Mais il reste de beaux restes, des creux dans la roche où murmure et coule une eau limpide et pure, et une grande variété de plantes.
Pour aller à l'essentiel, il nous faut mentionner le Bois de Paille en queue, assez rare, qui pend aux parois hautes.
Le Belvédère est atteint : désastre ! Le Bassin pigeon habituellement rempli d'une eau claire que vient rafraîchir la cascade est lui aussi verdâtre.
Descente au bassin, repos sur ses bords.
De sa belle voix chaude A. nous déclame quelques vers et quelques textes littéraires que ces lieux ont inspirés au fil des siècles et des plagiats. Leconte de Lisle reste le meilleur. George Sand ne s'en tire pas si bien que ça. Et son mystérieux "Malagache" semble bien être le plus plagié. Même par un abbé dont on ne retiendra pas le nom.
Le retour est aussi lent que l'aller.
Après le pique-nique près du Moulin à eau, nous découvrons le Chemin pavé Lougnon qui monte en lents lacets vers Bellemène. Il est si bien restauré, et ses pavés si bien ajustés. L'esprit se perd à rêver à tous ceux qui sont passés par là, et inévitablement le poème de Leconte de Lisle (Le manchy) évoque encore un petit pied qui se balance au rythme des porteurs, mais on ne peut que penser aussi aux bébés nés sur le chemin, leurs mères n'ayant pu arriver à temps à Saint-Paul, et aux esclaves qui ont porté les balles de café jusqu'à la côte.
La lumière de la fin d'après-midi s'est prise dans les chevelures des grands Tamarins lourds de leurs gousses acides.