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Autour du bassin DSC07086

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En premier lieu un grand merci à Monique SIBOUT qui a diligenté la préparation de cette sortie de façon magistrale.


La visite d'un domaine créole, patrimoine vivant et témoin de décennies d'histoire familiale et d'évolution de la société réunionnaise demeure une expérience d'une richesse inégalée quand elle se fait en compagnie d'une personne attachée à ces lieux par la passion, la filiation et la science.

C'est ainsi que nous sommes accueillis au barreau de la Vallée Heureuse au Brûlé de Saint-Denis par Madame Pascale Boyer-Vidal dont le grand-père Achille Berg a fait partie de ces médecins coloniaux qui luttaient comme ils le pouvaient dans le dénuement et la solitude pour soulager la souffrance d'autrui. On trouvera ici quelques précisions sur cet héritage familial.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Achille_Berg

Et ici des informations et des photos sur le domaine :

https://fr-fr.facebook.com/lavalleeheureuse


Entourés par un mur de verdure, sous un ciel nuageux que perce parfois un rayon de soleil, installés sur les marches hautes d'un escalier dont l'histoire va nous être contée, nous écoutons la présentation de la visite par Madame Pascale Boyer-Vidal. Le silence et la paix des lieux aident à l'évocation des jours anciens.


Le village du Brûlé se trouve sur une coulée du Piton des Neiges. C'est un plateau compact, normalement arrosé par des pluies régulières. Mais on y ressent déjà en ce mois de décembre 2014 ce qui doit être le début du changement climatique. D'habitude les bonnes pluies d'été arrosent et compactent le sol au point que la terre s'en trouve délavée. Seul reste le fer et la terre prend une teinte rouge. Mais cette année encore, la sécheresse est là. La pluviosité ici est normalement comparable à celle de la Plaine des Palmistes. Le matin en hiver la température peut descendre jusqu'à 8°C alors que normalement elle est de 10 à 12°C à cette altitude, environ 830 m.


Quelle est l'origine du nom du Brûlé ?

Nous sommes ici sur « une pente volcanique avec cratères visibles depuis la côte (Pic Adam), pente dévalant jusqu'à la mer » : c'est le « brûlé de Saint-Denis ». « Dans les zones où les phénomènes volcanique sont manifestement plus anciens [que le Grand Brûlé au pied de la Fournaise] : ”Brûlé de Sant-Denis“… “Brûlé de Saint-Paul“ … le terme désigne une zone d’altitude assez élevée où la rareté de la terre et la pauvreté de la végétation laissent apparaître la roche volcanique » (Robert Chaudenson, Le lexique du parler créole, tome I, p.6).

Ou bien encore, comme il y avait ici autrefois des charbonniers, la fumée de leurs feux qui faisait dire de la montagne qu'elle brûlait.


Le "changement d'air"

Au milieu du XIXe siècle, l'endroit, une fois la route ouverte est apprécié par les Dyonisiens comme lieu de "changement d'air" à la saison chaude. On fuyait aussi le paludisme. C'est l'époque de grands médecins comme le Docteur Philippe Auguste Vinson (1819-1903, médecin et poète dont une école porte le nom à la Montagne) et Eugène Jacob de Cordemoy qui font des recherches et utilisent les propriétés médicinales des plantes. De Cordemoy devint ainsi l'un des botanistes les plus éminents dans l'histoire de l'Île. Aujourd'hui, 94 % de la population sont des résidents à l'année. Les nouveaux arrivants sont des Créoles d'origines diverses. La vie de village est bien différente de ce qu'elle a été au siècle dernier.


Le jardin créole

Devant la maison créole, on trouve un jardin d'apparât. En hiver il est garni de fleurs. En été il est à dominante verte. En général une allée mène depuis l'entrée, le barreau, jusqu'à la maison.

Le jardin créole donne l'impression d'un grand fouillis, mais c'est un fouillis subtilement organisé. On y trouve des plantes indigènes et des plantes exotiques.


Nous sommes sur un escalier dont les marches sont retenues par des tuiles de Marseille qui servaient autrefois de lest aux bateaux. De tout temps les navires redoutaient le passage du Cap de Bonne Espérance. Quand ils étaient peu chargés, ils prenaient du lest, comme les tuiles sous nos pieds. À l'arrivée, on déchargeait ces tuiles pour les remplacer par le précieux café ou plus tard d'autres cargaisons. En 1939 le grand-père de notre hôtesse achète le domaine et pour réparer l'escalier, il achète par lots aux enchères les tuiles dont il avait besoin.


Les arbres alentour

Un très beau Bois maigre côtoie un Champac.

On trouve ici des haies de plantes adaptées au milieu, des exotiques comme le Thé notamment, mais aussi des Camélias, des Azalées, des Magnolias.

La saponines de la fleur de Camélia servait de savon aux enfants de la propriété pour se laver les mains.

Le thé peut subir différentes préparations.

Le thé blanc est obtenu en laissant flétrir les pousses récoltées pour qu'elles perdent leur eau. On les garde 60 heures dans un local bien ventilé, avant de les passer 10 minutes au four à 110°C. 

Le thé vert est, après flétrissage, ébouillanté puis séché.

Le thé noir subit une fermentation.

Sait-on que le thé est un Camélia ? On peut trouver ses fruits dans les haies du Domaine.


Plus loin nous trouvons un Bois de Charles mais aussi des espèces envahissantes contre lesquelles la lutte n'est jamais terminée. C'est le cas de l'Avocat marron et du si joli Bois de Noël.


Il faut aider les espèces endémiques comme les grandes fougères, les Fanjans. Ont ainsi été pris sur les stipes de Cyathea borbonica de petits "babas", de petites pousses qui après deux ou trois ans en pot ont pu être replantées.


Des orchidées Cynorchis sont repérées, puis des orchidées OEnia rosea récupérées sur des troncs de Cryptomérias.


Nous arrivons au bassin où l'on trouve des jacinthes, des crapauds chanteurs, et des laitues d'eau. Les jacinthes d'eau servent à confectionner un compost ou bien, hâchées, peuvent servir à nourrir canards et poules.


Non loin une fougère arborescente autralienne Cooperi, voisine avec une fougère indigène Cyathea excelsa.

Les fougères Tectaria arborent des bulbilles qui sont des organes reproducteurs, sortes de boutures naturelles.

L'Asplenium docifolium est vivipare.


Notre hôtesse nous expose les prodiges d'organisation qu'elle déploie pour faire que le papillon Vanesse puisse survivre grâce à la présence du Bois d'ortie dans le jardin.


Plus loin embaume un Francicea, aussi appelé Veuve joyeuse car la couleur de ses fleurs ne dure qu'un temps. Les Mauriciens l'ont ainsi appelé Yesterday, Today, Tomorrow.


Nombre de plantes importées à la Réunion sont passées par le jardin d'acclimation du fond de la Rivière. Missionnaires ou marins du commerce avec la Chine et l'Extrême-Orient ont ramené plantes ornementales et vivrières qui étaient ainsi acclimatées. Ainsi des Camélias.


Nous entrons maintenant dans la deuxième partie, le deuxième plateau du jardin, autrefois lieu de vie du gardien, naguère envahi par les Longoses. Pour s'en débarrasser il faut pendant sept ans les couper deux fois par an. On imagine le travail accompli par les agents de l'ONF sur les sentiers de l'Île.


Nous approchons des Bambous :

Petit bambou (faussement appelé calumet)

Bambou moyen

Bambou noir

Bambou panaché

Bambou géant de Chine (utilisé pour les canalisations, et dont la croissance est très rapide : 20 cm par jour, comme en témoignent les repères sur les tiges énormes)


Ce plateau est dominé par de très hauts Camphriers au bois cassant, qui ont souffert du cyclone Dina (2002).


Derrière nous le Ginkgo biloba  est un « fossile vivant » — oxymoron honni par certains mais si parlant — et ce végétal a résisté aux radiations à Hiroshima. Il en existe des plants mâles et des plants femelles. Le vent éparpille le pollen. Il est originaire du Japon. Les Chinois l'appellent l'arbre aux 40 écus.  


Son voisin, le Coronille ou goyavier du Costa Rica sert à faire de la confiture.


Nous descendons par un sentier sous le couvert de grands arbres vers le fond de la ravine. Nous y trouverons des spécimens bien répertoriés par des étiquettes :


Le Bois jaune était l'une de ces plantes utilisées comme remèdes par les médecins coloniaux démunis. Ce bois a une graine qui devait être disséminée par une perruche à gros bec disparue ce qui a pu mettre sa survie en question, d'autant que ce bois a beaucoup servi comme bois d’œuvre. Mais la « principale cause de son extinction actuelle » est due à l’« écorçage du tronc, l'écorce contenant une quinine naturelle préconisée pour les fortes fièvres liées au paludisme (ou plus récemment au chikungunya) ».

Le Grand natte servait pour à la confection de parquets.

Le Bois de Joli cœur devrait son nom au fait qu'il servait à combattre l'acnée juvénile de sorte que les garçons pouvaient quand même aller faire les jolis cœurs.

Le Bois puant, typique de la forêt semi-sèche, servait pour les pièces de rechange en marine et pour l'ébénisterie : les insectes fuyaient l'odeur dégagée. Les oiseaux ou les tortues qui étaient ses disséminateurs naturels ont disparu.

Le Bois de jeune fille ou Bois de négresse, abortif, se reconnaît entre autres à ses fleurs le long de la tige des rameaux.

Le Petit bois de pintade se trouve toujours dans la zone semi-sèche. Ses feuilles juvéniles sont très belles, mais l'hétérophyllie les modifie.

Le Bois de Laurent Martin peut être rattaché à l'histoire de la famille propriétaire du domaine. On trouvera ici les aventures de Nicole Coulon et Pierre Martin qui figurent parmi ses ancêtres.

http://www.mi-aime-a-ou.com/histoire_annee_1676.php

http://henri.maurel.pagesperso-orange.fr/biochco.htm

Bois de Papaye

Bois de Gaulette

Bois de cabri rouge (sans domaties)

Melicope borbonica

Bois de sureau Leea guineensis indigène

Mafatamboa dont les esclaves marrons se servaient pour empoisonner les chiens des chasseurs d'esclaves

Poivrier des Hauts : il servait aux dentistes à calmer la douleur de leurs patients

Vrai Bois de fer

Bois d'éponge Gastonia custipongia


Nous aurons le plaisir de nous restaurer sur la pelouse du domaine et de tourner les pages de quelques livres annotées de la main d'Achille Berg.

Grâce aux soins apportés au jardin, aux connaissances et à l’accueil de Madame Boyer-Vidal  nous garderons le meilleur souvenir de cette visite dans la paix des Hauts.

© F. DUBAN 2014