Home Page

 Piton de l'eau 

Il fait de moins en moins beau alors que nous avançons sur la Route des Tamarins. Depuis Saint-Louis on voit le massif du volcan hésiter entre pluie et soleil alors que les mornes du centre de l'île émergent sous les nuées en lointaines formes fantomatiques poudrées de lumière. 

Au départ de la Route forestière qui mène au Piton de l'eau, le temps a bien mis son manteau de vent de froidure et de pluie.  Nous partons sous la farine et rebroussons chemin car nous avons vraisemblablement pris le sentier  de l'Oratoire Sainte-Thérèse.

Finalement, le sentier du Piton de l'eau retrouvé, il révèlera après ses parties éricoïdes à la végétation bien connue — Sophora denudata, branles de toutes les couleurs, ambavilles au genre indécis, — des oasis de vert sous les branches imposantes de grands Tamarins des Hauts. 

C'est à partir de la plus belle de ces  oasis que le sentier qui coupe et recoupe la piste descend, caché par la végétation, vers les vertes pâtures que l'on aperçoit quand parfois s'ouvre le rideau des branles. Elles s'étalent grasses au pied des croupes lointaines des massifs du Grand Bénare, du Piton des Neiges, et l'on aperçoit le Cimendef et la Roche écrite figés au-dessus d'un océan de coton blanc. Paysage qu'au XVIIIe on eût qualifié de sublime et admiré avec un monocle au verre coloré.  

La scène aux bords du sentier n'est pas moins ravissante. On peut y trouver des cendres millénaires,  et des laves jaune d'or, des Psiadia argentés, des Psiadia anchusifolia aux grosses feuilles de velours vert, et des petits velours blancs (Elichrysum argenteum (???) ). Toutes ces velours  pour combattre les rudes températures de ces altitudes. Le Psiadia boisvenii arbore quant à lui de grandes feuilles lustrées. Innombrables sont les jeunes pousses de Change écorce.

Côté fougère on retrouve les habituelles Sticherus et des Dichranopteris.  Ne pas oublier le chasse-vieillesse (Fojasia salicifolia). Instant précieux quand une Heterochenia est découverte puis une autre et encore une autre dans un bébé ravine.  

Quand le sentier se confond avec la piste, on trouve sur les côtés quelques tiges carrées de Verbena bonariensis (Verveine sauvage) aux fleurs mauves. Nous progressons. 

Les Dombeyas à petites feuilles (Dombeya ficulnea) sont nombreux et bien développés à l'abri dans les pentes.  Bientôt le sentier côtoie les prés. Les clarines tintinnabulent. 

Enfin le Piton de l'eau est atteint. Le sentier qui se hisse au sommet peut combler tout botaniste éclairé : Bois de fer bâtard, Joli cœur des hauts, les deux Bois de Nèfles, et tant d’autres arbustes et arbres de la Forêt des hauts qui confondent le débutant. La pièce d'eau au creux du piton est lisse et un arum la ponctue dans la sérénité de midi.

 Après le pique-nique, le retour se fera par la piste, avec en toile de fond les plus hauts sommets de l'Île, immenses masses noires émergeant du duvet blanc des nuages où s'attarde la douceur de la lumière de la fin d'un après-midi d'automne austral.  

Et le reste est silence. 

© F. Duban 2014