Ci-dessus, un bel exemple de collet-monté
Les participants une fois arrivés sur le parking de la forêt de Notre-Dame de la Paix, Nicole CRESTEY, contrairement à ce qui se faisait les fois précédentes, nous incite nous rendre rapidement au belvédère avant que le brouillard ne baisse le rideau sur un grandiose spectacle, après quelques rapides explications à partir du panneau à l’entrée du sentier.
Ce panneau très bien fait, œuvre de Michel SICRE ??? (MS), rappelle que voilà 2000 ans le Commerson a déversé ses laves jusqu’au fond de la Rivière des Remparts que nous allons dominer une fois parvenus au belvédère. L’érosion a sculpté au fil des millénaires, des siècles, des décennies, des ans et des jours un spectacle grandiose à couper le souffle. Mais cette érosion a été également à l’origine de l’effondrement de la falaise surplombant l’écart de Mahavel en 1965. Un lac se forma alors derrière un barrage naturel qui pouvait à tout moment céder, menaçant Saint-Joseph. Ce barrage naturel s’auto-détruisit peu à peu et la menace fut écartée. Outre ses indications naturalistes, le panneau affiche sur sa partie droite une suite de pictogrammes hautement pédagogiques et sans légende : aux visiteurs de comprendre la portée de leurs gestes. Arracher, piétiner, détruire ou jeter ont des conséquences à long terme d’autant plus importantes et irrémédiablement funestes que le lieu est très visité.
Arrivés au bord du rempart, Nicole CRESTEY évoque à nouveau la catastrophe de Mahavel dont nous avons la trace sous les yeux. Les habitants de Mahavel ayant entendu un grondement épouvantable dans la nuit s’en furent se réfugier en hâte chez leurs plus proches parents en amont dans la vallée de la Rivière des Remparts ou à la Plaine des Cafres.
C’est alors qu’un Tec-Tec est repéré, ou que nous somme repérés par un Tec-Tec. C’est un mâle, dont la livrée est bien plus belle que celle de la femelle. Nicole CRESTEY improvise brillamment un briefing ornithologique sur les livrées des oiseaux : même si dans la majorité des cas la livrée des oiseaux mâles est plus colorée voire chatoyante que celle de la femelle, on connaît une espèce de caille où c’est le mâle qui a la livrée la plus terne. Il est voué à l’élevage des poussins tandis que la femelle volage et frivole poursuit sa quête de nouveaux partenaires. Chez les rapaces, la femelle est généralement plus grosse que le mâle, et le couple chasse des proies de taille différente — grosses pour la femelle, plus petites pour le mâle — et ne se fait pas concurrence.
Le fond de la vallée de la Rivière des Remparts est plat car comblé par les laves vieilles de 2000 ans. On peut considérer qu’aujourd’hui encore une éruption dans cette zone n’est pas impossible et que tout Saint-Joseph et sa région restent menacés. En face de nous, dans la brume et à contrejour la masse imposante du Morne Langevin et les cicatrices de l’effondrement de 1965 sur la falaise de Mahavel barrent l’horizon.
De beaux spécimens d’arbres de la forêt de Notre-Dame de la Paix sont visibles tout autour de nous.
Le Mapou se distingue aisément grâce à ses feuilles arrondies qui au toucher rappellent le carton. Il est ici abondant. Il y a des pieds mâles et des pieds femelles et la fécondation se fait par le vent.
Dans les frondaisons alentour pend la Barbe de Saint-Antoine, ou Fille de l’air, (Tillandsia usneoides), la Spanish moss des white oaks de Louisiane, et de la même famille que les ananas???.
Le Mahot (Dombeya) est ici abondamment représenté. Il compte une douzaine d’espèces.
Quelques arbrisseaux sont couverts de fleurs jaunes, d’où leur nom : Fleur jaune. De la famille des millepertuis, on chercherait pourtant en vain des trous sur leurs feuilles. Cette plante est recherchée par les tisaneurs pour ses propriétés fébrifuges, de même qu’elle est très courtisée par les abeilles pour ses fleurs nectarifères plutôt que mellifères. L’oiseau vert* ou oiseau lunette en est aussi très friand et il suit la floraison de cette plante des pentes basses jusqu’en altitude. On compte deux variétés de Fleur jaune : une de basse altitude qui peut monter néanmoins assez haut ??? et une d’altitude. Les nervures sont parallèles à la nervure??? centrale.
L’autre arbre des Hauts ici présent est le magnifique Tamarin des Hauts (Acacia heterophylla), une Mimosacée. La feuille du Tamarin n’en est pas une. C’est un pétiole aplati, un phyllode (pétiole aplati, ressemblant à une feuille et qui en remplit les fonctions physiologiques). L’hétérophyllie est aussi une caractéristique du Tamarin.
Rappelons que toute feuille a un pétiole (partie rétrécie située à la base de la feuille, qui lui sert de support et l'unit à la tige), supportant un limbe (partie large et aplatie d'une feuille. Par analogie, partie large et aplatie d'un pétale ou de la corolle, d'un sépale ou du calice d'une fleur). Le limbe peut être divisé ou uni (une feuille).
L’ajonc, amené à la Réunion par un “obscur curé” ??? est devenu une espèce envahissante partout dans les hauts où il prospère.
Une magnifique fleur de Passiflore sert de support à une leçon de choses improvisée et à compléter notre lexique botanique.
Une image vaut mieux que mille mots :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Mature_flower_diagram_french.svg
Révision : le pédoncule est la pièce florale en forme de tige, parfois appelée queue, qui porte les fleurs, puis, après la fécondation, les fruits.)
Le périanthe est l'ensemble des enveloppes qui assurent la protection des organes reproducteurs de la fleur (étamine et pistil), il comprend le calice qui est composé de sépales et qui assure une fonction de protection et une fonction chlorophylienne, puis la corolle qui est composée de pétales (lames minces et colorées)*http://fr.wikipedia.org/wiki/Périanthe*. Les tépales (pièce florale externe et interne du périanthe, dont on ne peut pas dire s'il s'agit de pétale ou de sépale), les pétales et les sépales se dressent sur le tube staminal, qui porte les étamines comme son nom l’indique.
Une étamine est un organes mâle, et porte le pollen.
Le pistil ou gynécée est l’organe femelle des plantes à fleurs. Il est formé d’un ou plusieurs carpelles et constitue le quatrième verticille composant la fleur.
Voici la dénomination des verticilles floraux :
gynécée, formée de carpelles, parfois réunies en pistil.
Le carpelle est une enveloppe protectrice supplémentaire du pistil, d'origine foliacée, définissant notamment l'ovaire chez les spermaphytes. C'est une caractéristique fondamentale des Angiospermes dans la mesure où les ovules y sont hermétiquement enfermés.
Le stigmate est la partie de l’organe femelle au bout du style surmontant l’ovaire.
Quant aux bractées, elles sont intermédiaires entre la feuille et la fleur. La bractée est souvent similaire à une feuille (on parle alors de « bractée foliacée »), mais elle peut aussi ressembler à une fleur ou à un pétale de fleur, notamment par ses coloris.
La Fougère aigle est appelée fougère parasol à La Réunion où l’on finit par se demander si elle est exotique ou indigène.
Un arbre facile à reconnaître est le Bois d’oiseau grâce à ses feuilles crénelées.
Ce n’est pas un arbre rare ou endémique qui fleurit à côté du pied de Bois ??? d’oiseau, mais un Prunus.
Le Bois de nèfles a de petites feuilles dont le dessus est vert foncé et le dessous argenté comme chez tous les bois de nèfles. C’est une Myrtacée.
La Mûre ??? est une ronce indigène à petits fruits comme la ronce en France. La mouche bleue la menacerait-elle ? (???)
Omniprésent dans la forêt de Notre-Dame de la Paix le Change-écorce se reconnaît à son tronc d’où semble tomber l’écorce en longues écailles, un peu comme l’Eucalyptus.
Jean-marc GRONDIN nous montre, accroché dans les branches sommitales d’unn Mapou, une touffe de Gui, (Viscum triflorum ???), ou Sourichaude ???, ou Chauve-souris ???, car il aurait été à l’origine véhiculé par les chauve-souris ???.
Sans doute l’arbre le plus impressionnant et par sa stature et son mode de dissémination, le Tan rouge (Weinmannia tinctoria) a de petites feuilles caractéristiques. Ses fleurs sont butinées par les mouches à miel pour le miel vert. Son nom latin et son nom tout court indique son utilisation tinctoriale.
La vedette de la forêt pourrait être le Bois de Laurent Martin (Forgesia racemosa), aussi appelé Bois de rose. Endémique de la Réunion, ses clochettes roses tirant sur le rouge pourraient faire de lui l’emblème du Parc National ???. Faut-il l’appeler le Bois de Laurent Martin ou le Bois du Roi Martin. Jean-Marc GRONDIN nous donne une explication. Le Martin est un oiseau que l’on peut dresser à chanter, siffler et parler et que l’on encage parfois. Quand il vieillit sa tête s’orne d’une couronne de plumes caractéristique. Il devient “roi”, le Roi Martin. Or les sépales desséchés sur le fruit du Bois de Laurent Martin, rappellent la couronne de l’oiseau éponyme, et le style, son bec.
Autre arbre relativement facile à reconnaître grâce aux verticillés violacés de ses rameaux, le Bois maigre (Nuxia verticillata dans la documentation, Verticillata Delanux ??? en l’honneur de Delanux, botaniste amateur). Le Bois maigre est le nom du tibia en créole ???? , et le tronc du Bois maigre jeune a bien quelque chose d’un os décharné ???????.
Partout sous le couvert pousse au sol et un peu partout sur les troncs centenaires le Poivre marron ???? (Peteromia ???) . Ce n’est pas un épiphyte car il peut trouver sur les troncs des “sols perchés”, des feuilles mortes ou tout autre matériau décomposé ayant formé de l’humus sur lequel ses minuscules graines ont atterri et grandi. Et sur les mêmes troncs on peut aussi trouver de vrais épiphytes, fougères et orchidées notamment.
Nicole CRESTEY déniche ainsi une Fougère pieuvre (Lepidosorus excavata), les spores agglutinés en lignes comme de gros grains pouvant faire penser à un tentacule de zourite et à ses ventouses. Jean-marc GRONDIN clarifie grâce à un dessin à main levée sur le sentier les distinctions à faire entre sporange, sore, et spores.
De même il explique les distinctions à faire entre les Tamarins : Tamarin Pays, Tamarin des Hauts et Tamarin “de l’inne” (de l’Inde). Le Tamarin Pays dont on mange le fruit a pour nom latin Tamarindus indica ce qui est un pléonasme car aux botanistes occidentaux demandant le nom de la plante, de vieux Indiens avaient donné en réponse “tamrindus”, arbre de l’Inde, le nom précisant déjà l’origine indienne ???. Quant au Tamarin de l’inne, (de l’Inde, il vient bien des Indes, mais des Indes occidentales)??? . Confusing!
Partout sous le couvert pousse au sol aussi le Persil créole (???). C’est un frêle arbrisseau dont les feuilles froissées évoquent effectivement l’odeur du persil.
Au détour d’un virage du sentier on peut trouver la Marguerite jaune.
Ou encore des touffes de Jouvence (Ageratina riparia), ou Abesouris (sic!), ci-dessus, aux petites fleurs en pompons blancs.
Ou bien encore des Fraises de l’O, ou Fraise crapaud, Fraise des bois, insipide exotique.
Plus loin sur le sentier un Tan rouge semble enlacer un Change-écorce. C’est l’occasion pour Jean-Mar GRONDIN d’expliquer un phénomène (“collet monté”) remarquable du monde végétal tropical : une graine de Tan rouge arrive sur un sol perché, pousse, grandit et l’arbre hôte bientôt plie sous l’envahissant Tan rouge. Au fil des ans, des siècles, l’arbre hôte disparaît, mais on peut encore deviner sur le Tan rouge où a eu lieu la germination, et l’on comprend ainsi pourquoi à un mètre ou plus de hauteur on a des racines énormes qui sont parties autrefois à la recherche du sol. Il semble bien que ce soit la seule manière pour le Tan rouge de se développer.
Cette forêt luxuriante est aussi l’habitat des Fanjans, Fanjans femelles (Cyathea excelsa, indigène) et Fanjans mâles (Cyathea borbonica, endémique) ci-dessus. Les Fanjans femelles sont reconnaissables à leurs feuilles tripennées, à leurs écailles provenant de pédoncules d’anciennes feuilles desséchées et tombées à terre. Elles ont une base large, voire callipyge, et peuvent atteindre des hauteurs de dix mètres ??? . Les feuilles tripennées ont un pétiole de velours rouge que rien ne froisse. Le Fanjan mâle plus élancé ou plus gracile, a des feuilles bipennées ???.
Des lianes courent dans la végétation près du sol, dont la Liane marabit (d’Arabie) (Clematis mauritiana).
La Marguerite folle (Erigeron karvinskianus) fait aussi des massifs aux fleurs nombreuses. C’est une plante exotique venue du Brésil, et envahissante.
Le Branle vert (Erica reunionensis) a aussi parfois élu domicile sur les troncs des vieux arbres centenaires, mais normalement c’est une brande qui pousse au sol.
La Canne marron(e) (Cordyline mauritiana) ci-dessus a elle aussi parfois élu domicile dans les arbres.
Ce monde végétal peut décidément sembler délirant dans sa luxuriance débridée sous le soleil des tropiques australs.
Le Bois de joli cœur (Pittosporum senacia) y ajoute une touche de romantisme.
Mais le Petit bois de rampart (Agarista buxifolia, indigène) nous rappelle que la mort rôde aussi en ce jardin, puisque le petit a les mêmes vertus mortifères que le grand.
Sur une clairière l’ONF ??? a planté des Ambavilles blancs (Hubertia ambavilla ???) et des Ambavilles verts (Hubertia ambavilla ???) à la place des Cryptomeria si décriés en leur temps.
On note la présence de nombreuses touffes d’Arum (Zantedeschia aethiopica) originaire d’Afrique du Sud.
Le Bois de fer bâtard, alias natte coudine (Sideroxylon borbonicum), famille des Réticulées, possèdent des feuilles aux nervures tertiaires ???. Du latex s’en écoule quand on les arrache.
Le Bois de Négresse (Phyllanthus phyllireifolius) est connu pour ses vertus abortives.
D’adorables et minuscules jardins d’Hymenophyllum poussant sur les mousses des troncs couchés à l’horizontale* resplendissent dans un rayon de soleil qui a percé la canopée. Cette fougère a la capacité de se dessécher quand elle manque d’eau et de revivre et se redéployer après la pluie.
Les Fougères épaulette pendent des troncs et des branches hautes.
Un gros Mapou sert de pouponnière à de nombreux Tan rouge encore jeunes. À quelles transformations ce vénérable tuteur doit-il s’attendre dans les décennies et les siècles à venir si les dieux et les hommes lui prêtent vie, que finiront par lui prendre les Tans rouges ?
Des Fougères Langue de bef (Antrophyum boryanum) poussent à terre.
Le Lichen foliacé parent les flancs des vieux troncs.
Une Ronce patte de poule, ou Liane le zin, court dans le sous-bois. Son nom vernaculaire lui vient de ses épines qui ont la forme d’un hameçon, qui se dit “zin” en Créole, car du zinc protégeait les hameçons expédiés de France en des temps plus anciens.
Nous sortons de ce sylvestre séjour où la pénombre ajoute au charme mystérieux du monde végétal des tropiques pour retrouver la lumière dans la clairière du parking. Un pique-nique clôture une fois encore une sortie passionnante.
Les Tec-tecs nous ont repérés, tandis que les Papangues planent dans le ciel à l’aplomb du rempart, sans doute portés par les colonnes d’air chaud montant de la vallée.