Accueil (Kélonia)

Soleil té i poik !

Dès huit heures trente les premiers arrivants se saluent sur le parking de Kélonia, nouveaux venus ou anciens des randonnées botaniques de Nicole CRESTEY dont le rayonnement ne cesse de croître. Il fait d'ailleurs déjà grand chaud et les crèmes s’étalent.

Nicole CRESTEY rassemble son petit monde sur la plage, où un tour de table sans table a lieu : il y a plus de deux douzaines de participants et chacun est invité à ne donner que son prénom, que l’on essaie de mémoriser vitement. Sylvie BOYER, prudente secrétaire, vérifie sa liste et complète téléphonie et e-mailerie de chacun. Coup de théâtre, Nicole a un portable ! Que l’on ne donnera pas ici, cela va sans dire.

Il est suggéré de se mettre à l’abri de la chaleur sous les arcades du pont routier voisin.

C’est là que dans un silence attentif et à l’ombre fraîche des voûtes est faite la présentation de Kélonia, nom créolisé à partir de chelonia, tortue en langue ancienne et romaine, nom de l’ordre des tortues, et celui de chelonia mydas, la tortue verte, unique représentante du genre éponyme, qui a touché cette terre et a fait faire son petit tas d’or à la ferme Corail, et aujourd’hui au musée Kélonia.

L’établissement est dominée par une haute structure qui fut le plus haut four à chaux de la Réunion aux temps anciens où c’était là le seul moyen de produire sur l’île le précieux matériau utilisé entre autres pour la fabrication du mortier et la fabrication du sucre.

La ferme Corail ouvrit en 1977 et faisait du ranching : les petites tortues à peine écloses en journée sur les blanches plages d'Europa étaient recueillies, échappant ainsi pour un temps à un sort funeste car elles étaient les proies des frégates qui s’en régalent, et, transférées à la ferme de Saint-Leu, elles étaient élevées, nourries pour être au final abattues et dépecées, transformées en viande, pâté, et autres gâteries, régal de bipèdes verticaux ordinaires, sans oublier les carapace dont l’écaille sert encore (2013) à la confection de fins bijoux. La chelonia mydas n’est pourtant pas réputée pour son écaille, mais ici, elle est tout à fait utilisable. La Convention de Washington, et la CITES (1981) mirent un terme à ce ranching  et la ferme fut intelligemment transformée en attrape-touristes et surtout en espace pédagogique où des classes innombrables des écoles de l’île ont été sensibilisées à l’environnement tropical marin dans un décor de rêve qui n’est pas sans rappeler les meilleurs musées vivants de la même catégorie aux États-Unis. L’élevage des tortues se termine en 1994.  L'Observatoire Kélonia ouvre le 18 août 2006. 

Des tortues ont été relâchées et sont revenues pondre. Il n’est pas impossible que la revégétalisation de la plage ait joué un grand rôle dans ce retour. Les tortues femelles seraient sensibles aux fragrances de leur plage d’origine. Autre rôle joué par la revégétalisation, la différenciation sexuelle. La tortue femelle pond une centaine d’œufs dans un trou circulaire d’un mètre de profondeur environ. Dans le sable chaud, les œufs incubent, trois mois environ. Les œufs à l’ombre sous la végétation donneront des mâles, les œufs soumis à une température plus chaude donneront des femelles. Autre facteur important, les tortues venant pondre de nuit, craignent la lumière et la route est proche. Les buissons sur la plage masquent la lumière des phares. C’est ainsi que Kélonia de conserve avec le Conservatoire Botanique Nationale de Mascarin a revégétalisé la zone littorale environnante, la protégeant de surcroît de l’érosion marine. Des pontes ont donc été observées en 2004, 2005, et sans doute après, mais les autorités compétentes restent discrètes pour ne pas attirer les joyeux branquignoles du dimanche. C’est à Saint-Leu que 80 % des pontes auraient lieu à la Réunion, sans doute grâce à la revégétalisation.

Du royaume animal la transition est ainsi faite vers le royaume végétal. N. CRESTEY rappelle la différence entre plante indigène, exotique et endémique. 

Est exotique une plante arrivée du fait de l’homme.

Est indigène une plante arrivée sur l’île par ses propres moyens (vents, oiseaux, courants).

Est endémique une indigène qui en s’adaptant aux conditions environnementales nouvelles sur l’île a créé une nouvelle espèce. On peut avoir des plantes endémique de la Réunion uniquement, des Mascareignes uniquement, des Mascareignes et de Madagascar.

Il est peu d’endémiques aux abords des plages, soumises aux embruns, aux vents, à l’aridité, aux eaux saumâtres et autres éléments hostiles qui gênent le développement et par là la spéciation. On sait que par osmose, l’eau va du milieu le moins concentré vers le milieu le plus concentré en composés divers, par exemple du sol vers la racine de la plante. Mais si le sol est imprégné d’eau saumâtre, l’eau douce de la racine ira vers le sol.

Par contre les plantes du littoral sont souvent cosmopolites et pantropicales pour ce qui nous concerne à la Réunion.

Après ces magistrales explications nous partons explorer la végétation sur la plage.

26 Ipomoea pes-caprae Patate à Durand CONVOLVULACEE pantropicale

Le meilleur exemple de ces plantes littorales pantropicales cosmopolites est la Patate à Durand, du nom d’un Monsieur Durand qui n’a jamais existé mais le nom de la plante en malgache aurait une prononciation proche de « Monsieur Durand » en français, ce qui prouve bien son caractère cosmopolite. Quant au nom latin, où il est question de chèvre, il fait allusion à la forme en pied de chèvre de la feuille de la plante. Mal aimée, parfois arrachée, la patate à Durand joue pourtant un rôle essentiel contre l’érosion par le vent et les vagues sur les plages. 

39 Scaevola taccada Manioc bord de mer GOODENIACEE Indopacifique

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Le manioc de bord de mer qui ne ressemble en rien au manioc cache de petits fruits qui font penser à des boules de polystyrène qui peuvent flotter sur la mer ce qui lui a permis d’être cosmopolite et pantropical, mais indo-pacifique et non atlantique, l’équivalent atlantique étant différent. La feuille est épaisse, la fleur donne l’impression de fleurir en ne formant qu’un seul demi-cercle, les pétales étant tous orientés vers le bas. On trouvera ici un site superbe où une non moins superbe photo en fait l’illustration (troisième photo) avec abeille mais sans phelsuma

21 Heliotropium foertherianum Veloutier BORAGINACEE Oc. Indien à Polynésie 

Inflorescence du Veloutier et dans l'ombre au milieu en haut des étoiles du Dactyloctenium aegyptium
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Héliotrope est le veloutier aux inflorescences scorpioïdes, car enroulées un peu comme la queue relevée du scorpion. Il a été replanté ces dernières années sur le littoral de l’île en de nombreux endroits. 

15 Cynodon dactylon Petit chiendent POACEE indigène ?

16 Dactyloctenium aegyptium Chiendent patte-poule POACEE pantropicale (ci-dessous)

Dactyloctenium aegyptium - Chiendent patte-pouIe  Chiendent patte-pouIe MG_0214

L’herbe ici et là se décline en plusieurs noms créoles pour deux variétés de chiendents. Le petit, le patte-poule, du chien, fil de fer, deux graminées aux noms évocateurs. Ci-dessus, les étoiles du Patte poule.


11 Casuarina equisetifolia Filao CASUARINACEE Indopacifique, Australie, N. Cal.

Le cheval en ces temps troublés se cache partout, même dans le Filao dont le nom scientifique fait référence à la queue du même animal (du mot latin equisetum, qui veut dire crin de cheval , car les « feuilles » du Filao feraient penser à la crinière ou à la queue du cheval. Il existe plusieurs espèces de Filaos sur l’île, notamment dans les Hauts. À l’origine, le Filao est importé pour fixer les dunes de l’Etang Salé, puis son bois est utilisé dans les chaudières des locomotives du TitTrain lontan. Il est devenu une espèce envahissante notamment sur les coulées du Grand Brûlé. C’est le « drame du Filao ». À l’Ermitage, le système racinaire des Filaos déchaussés accentue l’érosion par les vagues. 

10 Canavalia rosea Patate cochon FABACEE pantropicale

La Patate cochon est trifoliée, trois lobes composant la feuille. C’est un peu la cousine de la Patate à Durand. Elles partagent le même habitat à Grande Anse.

35 Passiflora foetida Poc-poc PASSIFLORACEE Amérique tropicale

Révélation ! Nous avons une plante carnivore, proto-carnivore, la seule à la Réunion qui n’est autre que le populaire et très répandu Poc-poc. Si on scrute attentivement les inflorescences, du moins certaines d’entre elles, on finit par voir de minuscules points noirs qui sont des petits insectes attirés par l’odeur, qu’eux semblent apprécier (fœtida) et qui se feront engluer et manger via le travail d’enzymes digestives dont on ne sait si elles sont produites par la plante ou par des bactéries. 

13 Coccoloba uvifera Raisin de mer POLYGONACEE Littoral atlantique d’Amérique

Tout le monde connaît cet arbuste, ou arbre, de bord de mer dont les fruits ronds en grappes lui ont valu son nom. Les raisins sont aujourd’hui encore verts mais nous ne sommes point des goujats.

17 Dichrostachys cinerea Kéké FABACEE Af. à  Australie

Monospécifique, le kéké ou zépinar car il a des épines envahit tout, franchit les ravines, et a remplacé la savane d’origine plantée de Benjoins et de Lataniers rouges (Latania lontaroides), quand arriva le bipède vertical intelligent.

36 Pithecellobium dulce Tamarin d’Inde FABACEE Amérique centrale

Ce Tamarin d’Inde qui vient d’Amérique centrale évoque par son nom les cervelles de singe. Nombreux sont les Tamarins, Tamariniers et syndicats à la Réunion et pour le profane qui veut une fois pour toutes mémoriser ce qu’est ce Tamarin Pithecellobium, il lui faudra observer les arbres des zones arides de bord de mer, repérer ceux aux troncs gris et lisses avec des stries horizontales. Ce sont des individus jeunes du Pithecellobium dulce. Puis il observera les « feuilles » et repérera qu’elles sont bilobées, qu’il y a des épines aux branches, et sur les arbres mûrs, des fruits contorsionnés. Il ne confondra plus le Pithecellobium dulce avec son collègue du syndicat, comme disent les journalistes étourdis, le Tamarindus Indica.

Thespesia populnea Porcher 

Thespesia populneoides
Porcher  et ses fruits IMG_0212

Cet arbre des bords de mer du moins sur la côte sableuse sous le vent est pudique. Ses superbes fleurs jaunes virent au rouge après fécondation comme on peut essayer de le voir sur la photo. Ses fruits sont caractéristiques.


23 Hibiscus tiliaceus Mova MALVACEE pantropicale

Une photo ci-dessous qui aurait pu être pédagogique (double-clic) montre le Mova entre le Veloutier et le Porcher. Voir la feuille de plus près. Lui aussi a des fleurs jaunes. Au premier plan en bas à gauche le Bois de lait.

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19 Euphorbia tirucalli Bois de lait EUPHORBIACEE Angola ?

(Devant la barrière sur la photo). Le latex, le “lait » de cette plante peut être utilisé pour faire de l’essence, guérir tumeurs et cancers, toux, asthme et mal de dent. Mais si vous le mettez sur la peau, de sérieuses irritations suivront. Il peut vous rendre aveugle plusieurs jours. Ingéré, il peut vous tuer.


5 Asystasia gangetica Herbe le rail ACANTHACEE Af., Asie, Mada, Comores


L’Aloes est d’Afrique, l’Agave d’Amérique.


48 Vitex trifolia Bois caméléon LAMIACEE Asie, Pacifique (ci-dessous)

Vitex trifolia
Bois caméléon IMG_0217


Le beach rock en bon français s’appelle grès de plage. Il se forme sur les plages de sable corallien ou basaltique coquillé où l’eau douce rencontre l’eau de mer. Il fut observé par Charles Darwin.


37 Prosopis juliflora Epinard FABACEE Am. S., Mexique, Antilles

On ne saurait terminer une visite sur les zones arides littorales de l’ouest de l’île sans parler des zépinars, arbustes qui ont des épines et n’ont rien à voir avec le beurre. Ils peuvent malgré leurs épines servir de fourrage.


Nos pas nous ont conduit à la zone d'atterrissage des parapentistes, et nous nous en retournons vers Kelonia et traversons la route pour aller explorer les flancs abrupts de la colline où le kéké pullule. Juste avant le pont nous observons une savane.


22 Heteropogon contortus Herbe polisson POACEE pantropicale

Heteropogon contortus-Pikan-Herbe polisson IMG_0218

L’herbe polisson que tout Saint-Paulois digne de ce nom appelle « pikan » est une graminée abondante dans les savanes de l’ouest. Au terme de sa croissance chaque tige maille sa sommité avec les voisines, ce qui constitue des amas noirs de graines emportés par le vent.


La vue sur la mer et les coulées entre les massifs de corail depuis le sentier bétonné qui monte au flanc de la falaise suscite des envies de plongée en eau fraîche.




F. Duban